J’ai pendant plusieurs années axé mon travail sur la vidéo et l’installation avec un état d’esprit et une démarche d’expérimentations. Je me suis me confrontée ainsi à des techniques et des supports très divers. Mes recherches ont ensuite évolué vers l’objet et le multiple puis se sont centrées sur la céramique accompagnée et soutenue par le dessin.

Mon travail a longtemps été traversé par des thématiques liées aussi bien à la naissance d’un territoire mental qu’au parcours physique de l’espace. Mes installations entretenaient une forte relation avec leur contexte en confrontant l’espace physique de l’oeuvre avec celui du spectateur (par exemple avec Les Bousillés ou Porte - (e)trop). J’ai souvent utilisé la vidéo et la photo pour mettre en scène ou capter la relation du sujet à l’espace social et au paysage comme dans Sans papier (2013) ou dans Chorégraphie Palace (2016). D’une manière générale, mes oeuvres, jouant avec l’absurde, affichent un certain goût pour le mystère et traduisent un esprit inquiet tempéré par des notes d’humour.

Actuellement, je produis des volumes en céramique qui dévoilent par bribes un paysage qui se fait le reflet de ce qui me traverse. A l’origine de cette orientation de mon travail, il y a ma série de dessins Paysages noirs débuté en 2013 dans lesquels des représentations de volumes plus ou moins abstraits sont accumulés dans un espace perspectif. Souhaitant traduire ces formes en volumes, j’ai effectué une série de sculptures miniatures, les faisant échapper ainsi à l’espace perspectif qui les liait. Ces nombreuses petites productions étaient peintes et réalisées avec toutes sortes de matériaux disparates. Avec l’intention de réaliser des oeuvres pérennes et plus sculpturales, je me suis orientée vers la céramique.

J’ai commencé ainsi à construire, pièce après pièce, un paysage discontinu et fragmenté, composé de formes abstraites accumulées avec des permutations possibles et des jeux d’associations diverses. Mon travail évite à dessein la figuration et l’imitation dans le souci de laisser latitude au spectateur de s’interroger sur ce qu’il voit et de jouer avec différentes échelles possibles. La discontinuité du paysage lui permet de pénétrer l’espace de l’oeuvre et de s’y infiltrer. Chaque forme existe de façon autonome avec ses particularités décoratives, ses textures, son mystère mais s’inscrit également dans un tout plus vaste. J’envisage l’ensemble comme une installation évolutive.

Je donne pour titre à mes pièces les noms de femmes accusées de sorcellerie qui jalonnent l’histoire européenne à partir du 15ème siècle. Le passage au four de mes pièces induit grâce à ces titres l’idée d’une réincarnation minérale par le feu. Ces noms sont donnés de façon arbitraire sans aucune idée de parenté formelle ou de ressemblance. Ils ancrent mes oeuvres dans une histoire et une mémoire politique qui enrichissent la notion de paysage.